Les plans de lumière étaient différents. C’était le temps mythique des premières ferveurs émotionnelles. De grands personnages allongés laissaient errer leur regard sur l’horizon nocturne. Toutes ces étranges silhouettes flottantes avaient certainement été témoins d’une rencontre, d’un appel du plus grand inconnu de la Terre. Les êtres de ce royaume savaient voler sous la mer et nager dans le ciel. Tandis que le ciel se regardait pleurer sur la mer immensément bleue, l’aube s’énamourait sur le bord des nuages, pressée de mettre de nouvelles couleurs.
L’ère mythique d’Aouanrhat était un voyage par l’esprit à l’intérieur des corps. Il y menait plusieurs aventures de front et, dans chaque point de l’âme, il était fait d’interrogations troublantes.
Il s’agissait peut-être de lévitation ou bien d’un état modifié de conscience, et ces visions hallucinées s’étendaient même à un invisible voyage de la mort. La sortie de soi pouvait être aussi un retour matriciel, une avant-naissance. Quoi qu’il en soit, un voyage vers un autre monde relie toujours, avec ses rythmes et ses silences, à une transcendance. Et les nageuses obliques ou cornues d’Aouanrhat ensoleillaient la pluralité du vivant.
Nombre de chercheurs étaient loin de se douter qu’ils allaient s’attacher à l’inconnaissable, à l’incompréhensible. Faut-il le rappeler ? Le monde ne se limite pas à sa partie matérielle. Personne ne peut être convaincu de tout savoir, de tout comprendre. Puissions-nous parvenir à faire sortir de la roche les sorcières-fées de ce voyage surnaturel vers le monde des esprits.
L’art rend possible toute imprégnation d’invisible, toute confrontation avec l’inconnu, précisément parce qu’il naît de l’incontrôlé, de l’expérimental. Et c’est peut-être là que se trouve la clé de ces silhouettes humaines en train de nager dans l’air, afin d’agripper la vraie lumière.